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Evaluation de l’efficacité des logiciels de prédiction de mots sur la vitesse de saisie de texte sur l’outil informatique

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Introduction

Les outils informatiques ont envahi notre quotidien social, scolaire, et professionnel : environ 80% des français ont un ordinateur ; ils sont 35h/semaine devant un écran ; 68% se connectent tous les jours
La thèse de Samuel Pouplin porte sur les personnes atteintes de tétraplégie, haute (TH) ou basse (TB). Limite en C6. Ces tétraplégies sont nombreuses et augmentent.
Causes : chutes (voie publique, cycles) provoquant des lésions hautes (environ 930/an). Ces gens nécessitent des outils informatiques préconisés par les ergothérapeutes, et sont demandeurs de nouvelles technologies de communication.
Par exemple, pour ceux avec TH, track ball au menton, clavier virtuel à l’écran, etc. Ceux avec TB ont besoin d’aménagements plus minimes : pointage standard, clavier classique, avec ou sans orthèse (baguette de désignation)
Outre leur déficience, leurs besoins et demandes doivent être entendus et précisés, en lien avec les facteurs environnementaux, le contexte, les proches, les habitudes de vie, identitaires et professionnels, etc.
Les deux peuvent utiliser la reconnaissance vocale, mais la confidentialité mise à mal ne leur en permet pas une utilisation courante dans la vie professionnelle. L’apprentissage peut s’avérer long.

La prédiction de mots

Elle s’est répandue avec l’écriture intuitive sur les smartphones. Mais les avis sont partagés entre augmentation de la vitesse et sources d’erreurs permanentes … ! Les personnes en situation de handicap ont accès aux mêmes accélérations de saisie sur des logiciels de prédiction de mots (LPM) avec des paramétrages particuliers :

  • saisie des mots dans fenêtre de chiffres,
  • nombre de mots présentés,
  • position de la fenêtre d’affichage (verticale, horizontale ou à côté de la saisie en cours)
  • nombre de lettres saisies avant prédiction
  • apprentissage des mots selon contexte ou fréquence d’utilisation

Mais les études présentes dans la littérature ne permettent pas d’en vérifier l’utilité à cause de la faiblesse des échantillons et des paramètres personnels très variables et hétérogènes. Les méthodes d’évaluation sont peu précises.
Dans la littérature : Les paramétrages -nombre de mots affichés ou fréquence d’utilisation- étaient supposés importants, mais aucun n’a montré sa supériorité.
En revanche il a été montré que les modalités d’entrainement ont une influence très nette sur la vitesse de saisie.

A priori : les professionnels s’appuient dans leurs préconisations sur la vitesse et sur le nombre de frappes. La thèse va essayer de s’appuyer sur des données objectives :

  • nombre de caractères saisis,
  • pourcentage de caractères économisés,
  • nombre d’erreurs,

et des données subjectives :

  • fatigue
  • performance (mesure canadienne du rendement occupationnel)
  • échelle visuelle analogique de satisfaction

Mr Pouplin étudie dans sa thèse l’utilité de ces paramétrages.
Etude 1 – Vitesse moyenne de saisie de texte, influence des caractéristiques personnelles.
Echantillon : 35 personnes tétraplégiques (17 TH, 18 TB).

  • TH : 12 mots / mn
  • TB : 10 Mots /mn
  • Personnes valides (PV) : 19 mots /mn

⇒Les PV saisissent plus rapidement et différence entre TH et TB peu significative. Aucune influence significative de l’âge ou du genre, mais influence de l’aide technique :

  • Reconnaissance vocale : 18 mots / mn. Pas de différence entre TH et TB
  • TH : clavier virtuel, 3 mots /mn
  • TB : clavier classique 8 mots /mn

Etude 2 – Habitudes, préconisations et paramétrages des LPM par les professionnels.
Questionnaire sur LPM et paramétrages (notés de 0 à 10) utilisés.
93 réponses (70% d’ergos), ancienneté moyenne de 14 ans, utilisant Skippy à 23,6%. Dans les LPM cités (Skippy, Clavicom, Dicom, Penfriend,..), les paramétrages par défaut sont hétérogènes.
Jugement à priori des professionnels :

  • Réglage du nombre de lettres avant saisie peu important
  • Apprentissage des mots très important.

⇒ En fait, après sondage, seuls deux réglages sont utilisés : emplacement de la fenêtre et nombre de mots affichés ! En contradiction a priori.
Etude 3 – Influence – nombre de mots affichés (< 6) / fréquence d’usage.
Mesures de la vitesse et du nombre d’erreurs, avec ordinateur classique + Skippy.
45 personnes tétraplégiques, 30 TB et 15 TH.
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TB

  • vitesse > sans LPM, sans influence du nombre de mots affichés.
  • saisissent + vite que TH
  • font moins d’erreurs avec LPM si adaptation fréquence active
  • préfèrent 3 mots affichés (car désengagement du clavier physique)

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TH

  • vitesse identique avec et sans LPM, sans influence du nombre de mots affichés
  • vitesse > si adaptation à la fréquence des mots active
  • préfèrent 8 mots affichés car clavier virtuel

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  • Les TH font deux fois moins d’erreurs de saisie que TB
  • La fréquence d’utilisation des mots a une influence partielle sur la vitesse.
  • pas d’influence du nombre de mots affichés sur la vitesse, mais la perception de la vitesse est différente selon le niveau lésionnel.

Donc : Les LPM ont une influence sur la vitesse pour les TH (effet > 0 quantitatif) et sur la diminution du nombre d’erreurs pour les TB (effet > 0 qualitatif)
Etude 4 – Influence de l’entrainement sur la vitesse.
32 participants, avec ordinateur et Skippy.

  • Effet significatif de l’entrainement sur la vitesse (TB)
  • Ils écrivent tous + vite sans LPM qu’avec !

Mais moins d’erreurs de saisie avec LPM que sans.
Donc : l’entrainement sur LPM avec ergo est bénéfique sur la vitesse de saisie versus sans entrainement ou auto entrainement avec guide.

Conclusion

Beacoup d’idées préconçues sont remises en question par cette étude, voire sont contradictoires avec les aprioris. L’effet de la prédiction est très variable selon les sujets :

  • L’influence de l’interface d’accès est plus importante que le niveau lésionnel.
  • La reconnaissance vocale est efficace.
  • Il n’y a pas de corrélation “niveau lésion /vitesse saisie”.
  • Pour les TB sur clavier standard, un petit nombre de mots affichés est préférable ou bien pas de LPM du tout, car ça n’augmente pas la vitesse mais ça réduit le nombre d’erreurs (avec fréquence activée).

Question : la personne veut-elle augmenter sa vitesse ou diminuer le nombre d’erreurs ?

  • Pour les TH, sur clavier virtuel, un plus grand nombre de mots est demandé car cela influe sur le confort d’utilisation du LPM. Cela augmente leur vitesse (avec fréquence activée).

A considérer : Importance de la reconnaissance vocale, avec laquelle TB et TH tapent aussi vite que PV. Mais en terme de participation sociale, de vie de groupe, de vie professionnelle, d’intimité, c’est très péjoratif…
Dans les habitudes de préconisation, on observe une discordance entre le logiciel choisi et les paramétrages effectués, et du coup, une remise en cause des professionnels ! Les réglages par défaut sont à prendre avec prudence, il faut accompagner, adapter, paramétrer, avec une grande réflexion sur l’ergonomie.
Et en fin de compte : faut-il carrément continuer à travailler avec les LPM ? Car sans prédiction mais avec rééducation intensive, la vitesse de saisie s’avère meilleure pour tous… Cela dépend du bénéfice attendu… il n’y a pas que la vitesse mais aussi la réduction du nombre d’erreurs… A condition qu’il s’adapte au vocabulaire….

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