Glint

Glint est une application web conçue pour automatiser la création de supports visuels personnalisés, destinés aux professionnels des établissements sanitaires et médico-sociaux. Développée par Ner Chat, une entreprise américaine fondée par Dylan Makani, Glint répond à un besoin crucial : réduire le temps consacré à la préparation manuelle de tableaux de communication, d’histoires sociales, d’emplois du temps visuels ou de grilles de comportement.

Grâce à une interface intuitive, Glint permet aux utilisateurs de décrire leurs besoins en langage naturel. L’intelligence artificielle interprète ces demandes et génère en quelques secondes des supports visuels adaptés, libérant ainsi un temps précieux pour les professionnels. Cet outil s’adresse particulièrement aux enseignants spécialisés, orthophonistes, ergothérapeutes et éducateurs, qui peuvent désormais se concentrer davantage sur l’accompagnement direct et la réflexion pédagogique.

Fonctionnement et caractéristiques techniques

Comme la plupart des outils basés sur l’IA, le fonctionnement de Glint repose sur une interface conversationnelle particulièrement intuitive. L’utilisateur accède à l’application via un navigateur web standard, sans installation préalable de logiciel. Une fois connecté, il peut interagir avec Glint de deux manières complémentaires : soit en saisissant directement du texte décrivant le support souhaité, soit en utilisant la saisie vocale pour dicter sa demande. Cette double modalité d’entrée facilite l’utilisation dans différents contextes professionnels, que l’on soit devant un ordinateur de bureau ou en mobilité avec une tablette.

La force de Glint réside dans sa capacité à interpréter des demandes formulées en langage naturel. Par exemple, un professionnel peut simplement écrire “crée un tableau de communication pour le repas à la cantine avec 6 colonnes incluant les plats, les boissons, les desserts et les émotions”, et l’application comprendra cette instruction pour générer automatiquement un support adapté. L’intelligence artificielle analyse la demande, identifie les concepts clés, sélectionne les symboles appropriés dans sa base de données de pictogrammes, organise la mise en page selon une logique pertinente, et présente un résultat finalisé en quelques secondes. L’interface propose également par défaut quelques menus permettant à l’utilisateur de préciser la forme (Templates), la taille, le langage et la complexité du vocabulaire employé.

Les types de contenus générables par Glint couvrent un large spectre des besoins quotidiens des professionnels d’ESMS. Les tableaux de communication avec symboles constituent l’un des usages principaux, permettant de créer rapidement des grilles thématiques adaptées à différentes situations de la vie quotidienne. Les histoires sociales, outils précieux notamment pour les personnes avec troubles du spectre autistique, peuvent également être générées automatiquement à partir d’une description de la situation à illustrer. Les emplois du temps visuels, essentiels pour structurer la journée et réduire l’anxiété liée aux transitions, font également partie des possibilités offertes. Glint peut aussi créer des grilles de comportement pour le suivi et la régulation émotionnelle, des supports d’activités pédagogiques diverses, ainsi que différents templates réutilisables et personnalisables.

L’application intègre une bibliothèque de symboles permettant de représenter une grande variété de concepts, d’actions, d’objets et d’émotions. Le système s’adapte au style et au niveau de complexité demandé, proposant des représentations plus ou moins détaillées selon le contexte. La rapidité d’exécution constitue un atout majeur : là où la création manuelle d’un support comparable nécessiterait entre une et plusieurs heures de travail, Glint produit un résultat exploitable en quelques secondes seulement.

Cette automatisation permet également une approche itérative facilitée : si le premier résultat ne convient pas parfaitement, l’utilisateur peut rapidement reformuler sa demande ou demander des ajustements spécifiques, testant ainsi plusieurs versions en un temps record. Cette flexibilité encourage l’expérimentation et l’adaptation continue des supports aux retours d’usage, favorisant une démarche plus réactive et personnalisée.

Par ailleurs, l’outil propose quelques options d’édition permettant de personnaliser l’affichage.

Enfin, un autre atout majeur d’une solution en ligne réside dans sa capacité à offrir des options de partage simples. C’est le cas avec Glint : nous avons particulièrement apprécié la génération d’un QR Code qui permet de facilement afficher un contenu sur n’importe quel support.

Pour les professionnels francophones intéressés par Glint, la barrière linguistique potentielle (l’entreprise étant américaine) mérite d’être mentionnée : l’interface de l’application est en anglais, et l’ensemble des contenus générés sont, certes, traduits dans différentes langues dont le français, mais les textes en anglais ne sont pas masquables. Les professionnels devront également s’assurer que les pictogrammes utilisés par l’intelligence artificielle de Glint sont culturellement adaptés au contexte francophone et correspondent aux standards utilisés en France (ARASAAC, Makaton, etc.), point qu’il conviendra de vérifier lors de la phase de découverte de l’outil.

Comparaison avec d’autres solutions

Pour bien comprendre l’apport spécifique de Glint, il convient de le situer dans le paysage des outils disponibles pour la création de supports visuels en communication alternative et améliorée. Ces outils peuvent être regroupés en trois grandes catégories, chacune ayant ses caractéristiques propres.

La première catégorie regroupe les logiciels traditionnels de création de supports. Boardmaker, développé par Tobii Dynavox, représente la référence historique avec sa bibliothèque de 50000 pictogrammes PCS et ses nombreux modèles. Comme le détaille la fiche technique, il offre une personnalisation très poussée et l’accès à une vaste communauté internationale, mais nécessite un investissement en temps considérable pour la création de chaque support. Picto-Selector, présenté dans la fiche technique correspondante du TechLab, constitue une alternative gratuite intégrant plus de 44000 pictogrammes des banques Arasaac, Sclera et Mulberry, avec des fonctionnalités de personnalisation étendues, tout en demeurant un outil de création manuelle.

La deuxième catégorie comprend les applications web de création simplifiée. TLAb ou GlobalSymbols se concentrent spécifiquement sur la création de tableaux de langage assisté via une interface intuitive ne nécessitant aucune installation.

La troisième catégorie représente une rupture technologique : celle des générateurs automatisés par intelligence artificielle. Dans cette catégorie émergente, deux approches distinctes se dessinent. D’un côté, goblin.tools propose des micro-outils d’assistance ciblés sur des tâches spécifiques liées à l’organisation et à la planification. Développé par Bram De Buyser pour aider les personnes neurodivergentes, goblin.tools offre notamment Magic ToDo qui décompose automatiquement une tâche complexe en étapes séquencées et illustrées. Cet outil excelle dans la création de séquentiels d’activités et de listes de tâches détaillées, domaine où il apporte une réelle valeur ajoutée en transformant une description globale en un enchaînement structuré d’actions concrètes. Cependant, goblin.tools se concentre sur l’organisation séquentielle plutôt que sur la création de supports de communication au sens large.

Cette comparaison met en évidence la complémentarité de ces différents outils selon les besoins et contextes d’usage. Boardmaker conserve sa pertinence pour les professionnels ayant besoin d’un contrôle précis sur chaque détail visuel. Picto-Selector reste un choix excellent pour les budgets limités et ceux qui préfèrent une solution gratuite. GlobalSymbols ou TLAb s’impose pour la création rapide de tableaux de langage assisté sans installation. Goblin.tools excelle dans la création de séquentiels d’activités et de listes de tâches détaillées pour accompagner l’organisation et l’autonomie. Glint se positionne comme un accélérateur de production pour des supports visuels diversifiés, particulièrement pertinent lorsqu’un professionnel a besoin rapidement de tester une idée, de répondre à un besoin immédiat, ou de produire plusieurs variations d’un même type de support. L’approche n’est donc pas de remplacer les outils existants, mais d’adjoindre une couche d’automatisation intelligente qui réduit drastiquement le temps consacré aux tâches répétitives, tout en laissant aux professionnels le choix de l’outil le plus adapté selon le degré de contrôle et de personnalisation recherché.

Limites et points de vigilance

Comme tout outil technologique, Glint présente certaines limites et nécessite des points de vigilance qu’il convient d’expliciter dans une perspective d’utilisation éclairée et responsable.

La première limite structurelle concerne la dépendance totale à une connexion internet active. Contrairement aux logiciels installés localement comme Boardmaker ou Picto-Selector, qui peuvent fonctionner hors ligne une fois installés et dont les bibliothèques de pictogrammes sont stockées sur l’ordinateur de l’utilisateur, Glint nécessite impérativement une connexion internet pour fonctionner puisque l’intelligence artificielle qui génère les supports est hébergée sur des serveurs distants. Cette architecture cloud présente des avantages (pas d’installation, mises à jour automatiques, accessibilité depuis n’importe quel dispositif), mais elle implique aussi une vulnérabilité aux aléas de connexion. Dans des environnements où la connexion internet peut être instable ou absente, cette dépendance constitue un frein réel.

Le point de vigilance le plus critique concerne la nécessité impérative d’une validation professionnelle systématique des contenus générés par l’intelligence artificielle. Si l’automatisation apporte un gain de temps considérable, elle ne saurait en aucun cas se substituer au jugement professionnel d’un expert. L’intelligence artificielle, aussi performante soit-elle, reste un outil statistique qui génère des propositions en fonction de patterns appris dans ses données d’entraînement. Elle ne possède pas la compréhension fine des besoins spécifiques d’une personne particulière, de son histoire développementale, de ses capacités cognitives précises, de ses préférences individuelles, ou du contexte relationnel et culturel dans lequel le support sera utilisé. Le professionnel doit donc systématiquement examiner critiquement le support généré, vérifier que les pictogrammes sélectionnés sont appropriés et compréhensibles pour la personne concernée, s’assurer que l’organisation proposée correspond à une logique pédagogique pertinente, et ajuster si nécessaire avant toute utilisation. Cette validation ne représente certes qu’une fraction du temps qu’aurait nécessité la création manuelle complète, mais elle demeure absolument indispensable pour garantir la qualité et la pertinence des supports utilisés. Le risque serait qu’une confiance excessive dans l’automatisation conduise à utiliser directement des supports générés sans cette phase de validation critique, ce qui pourrait aboutir à des outils inadaptés voire contre-productifs.

Les questions relatives à la protection des données personnelles et à la confidentialité constituent un autre point de vigilance majeur, particulièrement sensible dans le domaine médico-social. Lorsqu’un professionnel utilise Glint pour créer un support personnalisé, il peut être amené à saisir des informations concernant la personne accompagnée (son prénom, ses centres d’intérêt, ses difficultés spécifiques, etc.). Ces informations sont transmises aux serveurs de Ner Chat pour permettre à l’intelligence artificielle de générer un support adapté. Se pose alors la question du devenir de ces données : sont-elles stockées ? combien de temps ? dans quel pays (les serveurs étant vraisemblablement aux États-Unis) ? sont-elles utilisées pour entraîner ou améliorer l’intelligence artificielle ? sont-elles suffisamment sécurisées contre les risques de piratage ou de fuite ?

Les professionnels exerçant en France sont soumis au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) et doivent pouvoir garantir à leurs patients ou élèves que leurs données personnelles sont traitées conformément à cette réglementation. Il est donc impératif, avant toute utilisation de Glint dans un cadre professionnel, de se renseigner précisément sur les pratiques de Ner Chat en matière de protection des données, de vérifier la conformité RGPD, et le cas échéant d’informer les personnes concernées ou leurs représentants légaux de l’utilisation de cet outil dans leur accompagnement.

Enfin, la question de la dépendance à un service commercial privé mérite considération. Contrairement aux solutions open-source ou gratuites comme Picto-Selector ou TLAb, et même contrairement aux logiciels commerciaux classiques comme Boardmaker qui fonctionnent en local une fois acquis, Glint repose sur un service en ligne dont la continuité dépend de la pérennité économique de l’entreprise Ner Chat. Les professionnels et institutions investissant du temps et de l’énergie dans l’intégration de Glint à leurs pratiques doivent être conscients de cette dépendance et maintenir des compétences d’utilisation d’outils alternatifs pour ne pas se trouver démunis en cas d’interruption du service, de changements tarifaires importants, ou d’évolution de l’offre commerciale.

Conclusion

Glint représente une innovation significative dans le champ de la création de supports visuels pour la communication alternative et améliorée, en apportant l’automatisation par intelligence artificielle dans un domaine où la création manuelle demeurait jusqu’alors la norme. La promesse de transformer des heures de préparation en quelques secondes de génération constitue un changement substantiel pour les professionnels des ESMS, potentiellement libérateur en termes de charge de travail et permettant un recentrage sur l’accompagnement direct et la réflexion pédagogique.

Néanmoins, Glint ne constitue pas une solution universelle destinée à remplacer tous les outils existants. Sa pertinence se manifeste particulièrement pour la génération rapide de supports de base, les prototypes à tester, ou la production en série de variations. Pour des créations nécessitant un contrôle précis de chaque détail visuel, une personnalisation poussée des pictogrammes, ou l’utilisation de bibliothèques spécifiques, les outils traditionnels comme Boardmaker conservent leur légitimité. De même, pour des besoins ponctuels ou dans des contextes à budget limité, les solutions gratuites comme Picto-Selector ou TLAb restent des alternatives précieuses. L’approche la plus pertinente consiste vraisemblablement à considérer ces différents outils comme complémentaires plutôt que concurrents, chacun ayant sa place dans la boîte à outils du professionnel selon le contexte d’usage.

Les points de vigilance identifiés, notamment concernant la validation professionnelle systématique des supports générés, la protection des données personnelles, et la dépendance à un service en ligne commercial, ne doivent pas être négligés. Ils appellent une utilisation consciente et critique de l’outil, intégrée dans une démarche professionnelle réflexive qui maintient la personne accompagnée au centre de toutes les décisions. La technologie, aussi performante soit-elle, reste un moyen au service d’une fin qui la dépasse : favoriser l’autonomie, l’inclusion et la qualité de vie des personnes ayant des besoins spécifiques en communication.