La Communication Alternative et Améliorée (CAA) connaît actuellement une période charnière en France. D’un côté, l’État démontre une volonté forte de faire de l’accès à la communication un droit fondamental pour toutes les personnes en situation de handicap, comme en témoigne la toute prochaine instruction ministérielle aux Agences Régionales de Santé (ARS).

Cette instruction, qui s’inscrit dans le prolongement des engagements pris lors de la Conférence Nationale du Handicap d’avril 2023 et des récents Comités Interministériels du Handicap, prévoit le déploiement d’une mission départementale d’expertise et d’information autour de la CAA. Une enveloppe de 5 millions d’euros sur deux ans est même évoquée pour soutenir cette ambition.

Mais parallèlement à cette impulsion politique, nous observons une concentration inquiétante du marché des technologies d’assistance à la communication. L’annonce récente du rachat de Cenomy par Dynavox Group marque un tournant dans le paysage français de la CAA. Cenomy, acteur historique français dans ce domaine, va désormais intégrer le géant mondial Tobii Dynavox. Cette acquisition renforce un phénomène que ​le TechLab observe depuis longtemps : la difficulté d’accéder à un conseil véritablement centré sur les besoins des utilisateurs plutôt que sur des logiques commerciales. Si tout distributeur est naturellement porté à recommander les solutions de son catalogue, cette concentration verticale risque d’accentuer davantage la prédominance de certaines gammes de produits au détriment d’une diversité adaptée aux besoins spécifiques de chaque personne.

Cette évolution est d’autant plus préoccupante que SmartBox, dont les solutions étaient jusqu’alors distribuées par Cenomy, fait simultanément son entrée directe sur le marché français. Cette restructuration soulève des questions concrètes pour les utilisateurs actuels des produits SmartBox : qui assure désormais le service après-vente et le suivi des produits déjà installés ? Comment sont gérées les mises à jour et l’assistance technique ? Ces aspects pratiques, loin d’être anecdotiques, impactent directement l’autonomie communicationnelle des personnes concernées.

Nous assistons donc à une restructuration profonde du paysage des solutions de CAA en France, avec une présence renforcée des deux principaux groupes internationaux.

Ce double mouvement — engagement public fort d’un côté, concentration commerciale de l’autre — nous place face à un paradoxe : alors que la CAA gagne en reconnaissance institutionnelle, le risque d’un appauvrissement de la diversité des solutions proposées aux personnes concernées se profile. Dans ce contexte, le rôle des professionnels, des centres ressources et des associations devient plus crucial que jamais pour garantir un accompagnement centré sur les besoins des personnes et non sur les logiques commerciales.

Le TechLab continuera de jouer son rôle de veille, d’information et de formation pour permettre aux professionnels du médico-social de faire des choix éclairés, dans l’intérêt premier des personnes accompagnées. La CAA n’est pas qu’une question d’outils – elle est avant tout une démarche globale d’accès à la communication pour tous, quels que soient l’âge, le type de handicap ou le lieu de vie.